Ceux qui ont connu la part prise par Bielle en Ossau dans le lancement du Festival de Siros, n’auront pas manqué d’être émus par la récente disparition à plus de 100 ans, de Sylvain Gavin, une des figures les plus marquantes du « Cuyala d’Aùssaù » qu’anima Jacqueline Hourcau. Certes, les grandes figures ne manquent pas dans la vallée, mais avec Gavin, nous touchions à l’exceptionnel. L’homme semblait être l’incarnation de la danse, et jusqu’à un âge avancé, il avait conservé dans cette façon de s’exprimer, quelque chose qui touchait au surnaturel.
Nos danses Pyrénéennes sont un langage, et si on ne connait plus toute la signification des pas particuliers, celui qui danse en reçoit l’esprit, par ce qu’y ont voulu mettre les anciens. Et ce qui était prodigieux chez notre vieil ami, c’est que sous ses pieds, ces danses dont nous, les fervents béarnais connaissons toutes les figures, semblaient nouvelles à chaque fois, car on ne se lasse pas de la perfection. Les bons danseurs abondent en Ossau où ailleurs, mais dans la hiérarchie des talents, je n’ai jamais connu de pareille virtuosité qui n’avait besoin d’aucune autre fantaisie que de rester naturelle pour exercer sa séduction. Car le mot n’est pas trop fort. Les pas de Gavin déployaient un sortilège tel, qu’on eut cru que ce n’était point la musique qui les inspirait, mais qu’ils produisaient eux-même leur musique. Ses pieds ne semblaient toucher le sol que pour le quitter, et leur mouvement semblait rendre léger l’espace même. On entrait avec lui dans une autre réalité, qui comblait l’attente de ce « plus »essentiel, que tout homme porte en lui.
D’ascendance Aragonaise, Gavin n’en avait pas gardé la solennité un peu sévère, et c’est peut-être qu’il appartenait si complètement à la danse, qu’il ne pouvait exprimer que la joie qu’elle provoque. Une joie qui restait sur son visage, après la scène, comme une invitation naturelle au partage de l’amitié. On aurait aimé rester longtemps avec Gavin, car il incarnait cette chose infiniment rare que fait la gentillesse dans le talent. Et on avait envie de se mettre à son école.
Ossau vient de perdre un personnage que cet hommage ne peut traduire car ces mots ne chantent pas comme il dansait. Mais je me devais d’évoquer mon émerveillement, comme furent émerveiller ceux qui devaient le découvrir à Siros où ailleurs, car je sais que tous gardent le sentiment rare, d’avoir rencontré ,dans un instant magique, quelque chose comme le passage de la grâce sur le monde.
Alexis ARETTE.