C’est une page de grâce , de talent et d’élégance qui vient de se tourner en Béarn, avec le départ de Jacqueline Hourcau, et nous aurons été nombreux, parmi les acteurs de Siros, à ressentir en nous comme un écho de la plainte de Despourrins :
« De la plus charmante anesquéte, pastous bienet-mé counsoula ! »
Certes nombreux sont les visages disparus qui nous restent chers, dans cette épopée de la Renaissance Béarnaise, mais jacqueline apparut parmi nous comme l’assomption de ce que nous avions tenté : Nous voulions faire s’exprimer la vérité de notre peuple : Elle y vint ajouter le sceau de la beauté !
Le « Cuyala d’Aussaù » dont elle menait les chansons, mais aussi les danses avec l’incomparable jean Gavin, avait été, dès le début, la pierre d’angle du Festival, et jamais ne fut plus vraie la fameuse devise : « Biarn e Aùssaù : Bibe la baque ! ».Dans un Béarn qui se laissait gagner par l’oubli, ce fut la vieille terre , sanctuaire de la tradition conservée, qui vint réveiller nos fiertés assoupies, et la volonté de reconquérir un certain nombre de libertés qui nous faisaient autrefois : « Mestés à case » ! Mais dans ce combat, le Cuyala ,avec les vestes rouges de ses garçons, les capulets et les châles somptueux de ses filles, se présentait comme un florilège émouvant ,et les instruments de Lou Poueyou et Passimourt, faisaient vibrer dans l’âme Béarnaise, des cordes qui ne demandaient qu’a résonner pour des chants nouveaux… Bielle nous faisait revivre l’instant magique d’un peuple rassemblé, mais Jacqueline était au centre de la magie, qui sans elle n’eut pas eu cette intensité..
Nous nous souvenons tous de ce Festival où, après la prestation de son groupe, elle s’avança toute menue sur la scène, dénouant sa chevelure blonde pour nous chanter l’amour avec « Yane Marie s’en ey bachade… », un chant pudique et passionné, par lequel la magie atteignit son point indépassable : La Mélusine que l’on voit gravée sur un vieux fronton de la vallée et dans le bénitier de l’Eglise de Laruns, reprenait vie et nous était rendue ! C’était la fée de notre terre qui s’avançait vers nous, et le cristal de sa voix retombait sur notre peuple comme une cascade de tendresse et de bonheur : Le Béarn en était comme ondoyé pour une nouvelle naissance ! Les combats de ma vie et de mes guerres m’ont fait connaître des émotions très fortes, mais jamais je n’ai éprouvé un pareil sentiment de plénitude, que dans cette féérie, qui un instant, nous projeta hors du temps et de l’espace, vers l’ailleurs.
Comment Jacqueline, pourtant de tradition française, avait-elle pu à ce point s’assimiler à cette terre, au point d’en devenir l’ incarnation ? C’est un mystère qui touche à celui de l’amour. Et je crois pouvoir dire qu’autant qu’elle a aimé et servi les gens de sa vallée, nous avons été, nous les hommes de Siros, avec toutes les distances qu’impose le respect et l’admiration, un peu amoureux de jacqueline, comme on est amoureux d’une perfection que l’on est loin d’atteindre ! Elle était à la fois « notre », et différente par sa façon d’être, par son apparente fragilité qui cachait une énergie sans faille, et par ses yeux dont le bleu pouvait devenir si profond !Ardente et douce, soucieuse et gaie, portant la fleur du rêve dans sa matérialité, elle fut un instant la reine et la fée, d’une fête qui semblait réinventer l’avenir…
Jacqueline si vivante dans l’espérance qui nous anima, tu reste vivante dans une affection qui tremble au bord de nos larmes, vivante dans ce monde d’amitié qui nous réunissait, vivante dans nos cœurs, comme nous te savons vivante dans la source qui te donna la gentillesse, la grâce et la beauté. Et comme nous t’avons aimée quant tu fus parmi nous, nous continuons à t’aimer dans l’espérance de l’invisible qui nous rassemblera dans un chant infini à la fin du voyage.
Alexis Arette